Aurélie, et la naissance de Lison

Ma date de naissance est le 17 décembre 1978, donc pour Nino j’avais 31 ans (presque 32), pour Lison 34 ans et pour Lucien 35 ans.

Interview réalisée chez Aurélie le lundi 3 novembre 2O14. Sont présents : Aurélie, Lucien et Agnès

Aurélie : J’avais pensé du coup(à supprimer) raconter l’accouchement de Lison, comme elle n’est plus, comme elle est décédée, tout ce qui est de laisser une trace pour Lison me touche particulièrement. Dans Maïeuticiennes, elle y est, on avait rencontré Bertrand Leduc qui a fait ce film pendant la grossesse de Lison. Il avait filmé ici une séance à domicile avec Rosana, je suis allongée sur le canapé et il y a Nino, mon fils aîné, qui avait deux ans au moment de la naissance de Lison, qui veut écouter le cœur. Après, il avait filmé une consulte à la maison ou on la pèse. Dans son montage final, il a mis juste un petit clin d’œil pour Lison parce qu’elle est décédée avant qu’il sorte le film. Il nous avait demandé si on voulait quand même. Tu imagines ? C’est sa vie, elle a fait ça, c’est une trace de son passage, c’est magnifique.

Elle est née en mars 2O13, elle est décédée fin juin 2O13.

En fait, j’étais enceinte un mois et demi après son décès, à mon premier retour de couche, on était comme ça dans un appel à la vie très très fort, de suite. Même la façon dont les choses se sont déroulées après le décès, mon compagnon comme moi on était très… on a passé l’été entouré de plein de gens, on avait besoin de ça, de vivre comme ça. Et puis voilà, c’est Lulu qui est arrivé super vite, même plus vite que ce que j’aurais jamais imaginé. La grossesse a été difficile parce que c’était trop frais. J’étais trop mélangée, j’étais hyper contente qu’un bébé arrive, mais j’avais pas eu le temps… j’étais en état de choc…

AAD

En septembre, j’étais déjà enceinte de plusieurs semaines, quand j’ai réalisé que j’étais vraiment enceinte. J’ai fait un test, je voulais pas y croire. J’étais à la fois sidérée et contente – mais d’abord sidérée que mon corps et ma tête aient permis ça, alors que j’étais encore en plein brouillard. Oui et non. Il y avait une partie de moi qui avait envie d’un bébé, tu sais pas pour quelle raison… Au début, t’as pas envie de remplacer… Ce n’est pas remplacer, mais on m’a enlevé mon bébé, quelque chose comme ça. Du coup, j’ai utilisé vraiment toute la période de la grossesse pour bien mettre les choses à plat, même dans une urgence, pour lui, faut que je sois prête quand il arrive. Il aurait pu porter tellement de choses, non pas un bébé de remplacement justement, c’est un autre enfant… Il y a des moments où tu crois que tu es claire, finalement tu t’aperçois que tu ne l’es pas trop… Du coup, j’ai voulu savoir le sexe et, à la deuxième écho, quand on a su que c’était un petit garçon, le choc ! J’étais effondrée… Je me suis dit : « Il faut vraiment que tu réalises que ta petite fille n’est plus, c’est un autre enfant… Tu crois que tu es claire et tu ne l’es pas tant que ça ! L’inconscient te joue des tours. Je savais que j’avais très envie d’avoir une fille, j’avais été très contente d’avoir une fille, c’est quelque chose dans mon histoire familiale, j’avais eu un garçon en premier, j’avais très envie d’avoir une fille, mais bon… de suite, dans la soirée même, j’ai été d’abord effondrée et après soulagée, très étrange… Soulagée, oui et non… Consciente que pour lui c’était un peu plus facile… Aurélie met Lucien qui râle au sein.

Au début, ça me le fait de moins en moins, mais je me suis fait vingt millions de scénarios sur les façons dont il pourrait mourir, que ce soit comme Lison ou autre chose. C’était la fragilité de la vie… Jusque-là, dans ma vie j’étais tellement confiante, j’avais l’impression d’avoir une bonne étoile, que la vie me souriait tout le temps, je me souviens quand Lison est née, j’arrêtais pas de dire à tout le monde : « Mais on a tellement de chance, c’est super, c’est génial.. ». Et quand elle est décédé, alors là , c’est toute la confiance en la vie qui est abîmée, tu as un sentiment de colère, d’incompréhension, d’un peu d’injustice du coup, alors que bon, il faut aussi accepter que la mort est aussi dans la vie… ça, c’est les beaux discours, mais quand ça te tombe dessus… Je suis pas bouddhiste, mais je veux adopter ça, me dire que sa vie a été courte, mais c’est une belle vie, bien remplie de trois mois et demi, je veux pas abîmer ça, garder ça : cette belle vie de trois mois et demi. Notre culture judéo-chrétienne est trop : le deuil, la mort, c’est lourd, c’est noir, c’est fini… On veut tout contrôler… Au début, ça m’a vachement aidé, c’était une belle conversation que j’ai eu avec ma voisine, Charlotte, qui m’a apportée des choses à ce niveau-là, elle m’a dit : « Tu as vu cette belle vie, pleine d’amour, pleine, compacte, mais jolie qu’elle a vécue, puis c’est comme ça, c’était le sens de sa vie… ». Pas être dans une culture de la tristesse, de la lourdeur. On a fait une jolie cérémonie pleine de couleurs, pleine de vie, on a fait un grand rassemblement dans le jardin, plutôt comme une hymne à la vie, – je supportais plus d’entendre : «  Ah, ça doit être la chose la plus difficile au monde de perdre un enfant », mais moi qui venais de le vivre, je pense que c’est perdre quelqu’un, cette douleur, mais perdre un enfant, un amoureux, un ami, une amie, son père, sa mère, c’est toujours très difficile. C’est des épreuves qu’on a tous à traverser…

Lucien sourit, elle se tourne vers lui. Et ce bébé qui est si lumineux, si souriant…

Donc j’avais envie de raconter l’accouchement de Lison, il faut commencer par un, parce qu’il y en a trois ! Je m’étais tellement régalée à le vivre, ça c’est sûr ! Et aussi à le raconter comme une aventure, car c’est ça un accouchement : c’est une belle aventure. Lison, c’est notre deuxième enfant. Pour le premier j’étais déjà intéressée pour accoucher à la maison, mais mon compagnon était frileux, donc c’est hors de question de le faire si on n’est pas les deux convaincus. En plus j’avais rencontré Fabienne et Rosana au cabinet des sages-femmes aux Minimes, à Toulouse, et elles m’avaient dit : « On fait pas les premiers bébés. »… Je pense que Fabienne avait décroché un petit peu, elle avait envie d’en faire moins, Rosana, du coup, était la seule à les faire, il fallait bien un peu limiter, il y avait pas mal de demandes.

Donc, le deuxième accouchement, on y a re-réfléchi mieux avec mon compagnon, ça été tout un cheminement. Mathias m’a accompagné là-dedans, au fur et à mesure des rendez-vous avec Rosana. Ça mûrissait tranquillement et puis c’est devenu vite une évidence. Moi, après, j’étais très décidée et comme Mathias me disait : « C’est toi qui sais, c’est toi qui sens, moi je te suis, je te fais confiance ». Il avait été impressionné, je crois, par la première expérience d’accouchement, à se dire «  Ah ouais ! C’est quelque chose ». Puis il avait trouvé que j’avais su. Il a fait confiance à mon instinct. Et puis c’était un vrai projet qu’on portait tous les deux, avec Rosana la sage-femme, avec Nino le fils aîné, le premier enfant. Tu te demandes toujours aussi la place des aînés dans les accouchements à domicile. Donc c’était prévu pour mars 2O13, Rosana m’avait dit : « Y a un weekend ou je ne suis pas là » – telle date – je sais plus exactement, « c’est quinze jours avant ta date, ça devrait passer … » et bien, bingo, j’ai eu les contractions ce week-end-là ! Mais c’est marrant comme le corps et aussi le mental… parce que du coup, j’ai eu les premières contractions, un samedi soir et Rosana ne rentrait que le mardi, je le savais et je me disais « Oh là  là ! Ça y est, c’est parti », à la fois j’étais contente et en même temps j’avais pas trop envie. Bon y avait un plan B, Fabienne aurait fait l’accouchement, mais je l’avais pas rencontré autant que j’avais préparé l’accouchement avec Rosana, donc je me disais, de toute façon, si c’est maintenant, c’est maintenant ! Mais y avait une petite partie de moi qui disait, quand même c’est dommage. Et puis on est rentré à la maison, on dînait chez des amis. Et en fait je me suis couchée et ça s’est calmé petit à petit. Je me disais « Tu vas appeler Fabienne en plein milieu de la nuit… »… Trois heures du matin, je l’appelle… Je l’appelle pas et ça s’est calmé. Je me suis endormie et ça s’est arrêté. Elle rentrait le mardi soir, et bien, dans la nuit de mardi à mercredi le travail est reparti ! C’était la nuit du 12 au 13 mars 2O13. Ce jour-là, je me réveille dans la nuit avec les contractions qui démarraient, elles étaient toutes petites au début, elles s’intensifiaient peu à peu tranquillement. Je regarde l’heure : 4h du matin. J’étais dans ma chambre à l’étage, Matias dormait et je voyais qu’il neigeait. Il s’était mis à neiger dans la nuit. Ce qui est super, c’est qu’on a une fenêtre qui donne au sol et je regardais la neige tomber et puis j’étais contente parce que les contractions commençaient. J’avais envie, j’étais prête. Je me disais Rosana est là, très bien ! Je l’ai appelée vers 7h du matin. On s’était dit : « On mettra Nino à sa journée de crèche comme d’habitude, parce qu’on ne sait pas combien de temps cela va durer », on l’avait pas préparé spécialement, on savait pas trop, on s’est dit qu’on ferait sur l’instant. Donc Mathias prépare Nino pour l’emmener à la crèche, j’appelle Rosana, je lui dis « Ça y est c’est bien parti ». Elle me dit « Je suis rentrée hier au soir à 11h/minuit – tu m’appelles, c’est parfait ! ». Comme quoi… c’est trop marrant…

Et puis la neige avait continué et ce qui m’inquiétait, c’était qu’elle puisse se déplacer facilement pour venir à la maison. Et puis elle me dit « Ça devrait aller, je viens tranquillement, je prends la voiture, j’arrive ». Elle n’était pas très loin, elle habitait St Cyprien, il fallait venir ici à Bonnefoy. Et puis voilà, Mathias fait son aller/retour, moi je continue à gérer mes contractions tranquillement, toujours debout, toujours ! Ça, à chaque fois que j’accouche, trois accouchements, ça a été la même chose, je peux pas m’asseoir, je ne peux pas m’allonger, il faut que je sois debout tout le temps. En fait, il a neigé tout le temps de l’accouchement, ça s’est arrêté dans la matinée et ça a commencé à fondre en début d’après-midi, j’ai eu la sensation que ce manteau de neige était lié à cet évènement. Et ça c’est des souvenirs qui me restent très fort visuellement. Parce que, tout le travail, je regardais le jardin magnifique, les oliviers couverts de neige, c’était super beau, ça faisait une ambiance, une lumière un peu blanche, un peu froide, pas très agréable, mais en même temps comme un silence, comme une ouate. J’ai vécu cet accouchement dans une forme de tranquillité, de manteau neigeux, avec ce froid à l’extérieur, le chaud à l’intérieur, tout cozzi, de se mettre en soi, dans son corps pour ressentir le travail, le bébé qui descend. Ça a été très fort en plus avec ce cadeau, cette beauté du paysage, du jardin, c’était super beau. C’était très calme, très silencieux et le travail avançait efficacement. Rosana est arrivée à 9h du matin. Et puis après, on oublie le temps, complétement. Mathias était revenu de la crèche, c’était super, il n’y avait plus qu’à dérouler, au début on parle, on boit un thé, on rigole, on se donne des petites nouvelles : « C’était bien ta formation en Italie ? »… et plus ça va, moins on parle. Au début, on était en bas, dans le salon, à trois, et puis, petit à petit, c’était plutôt à deux, Mathias m’aidait sur les contractions. Rosana montrait des choses, proposait des choses, une bouillotte, si ça faisait mal plutôt en bas du ventre, plutôt en bas du dos, une position, elle montrait les choses, Mathias appliquait un peu les conseils d’accompagnement et puis il s’écoutait. C’était mine de rien le deuxième accouchement. Et puis on était à la maison. Il était, mine de rien, beaucoup plus actif qu’au premier accouchement à l’hôpital, même si j’avais géré le travail à la maison qui était très long, pendant 2O heures. Et puis après, je sais plus trop, ça fait déjà plus d’un an et demi… Oui, j’ai le souvenir que plus ça va, plus tu rentres dans ta bulle, y a des moments où je m’endormais un peu quand même, je me suis allongée un peu pour me reposer et puis j’avais froid et puis j’avais chaud. Y a des petits moments comme ça où on se rend plus compte, on croit qu’il est passé dix minutes mais il est déjà passé trois heures… Et puis, à un moment donné… J’ai jamais eu envie de demander à Rosana de regarder finalement, ça elle me l’a dit après : « Mais jamais tu m’as demandé : au fait, on en est où ? ». Je trouvais ça chouette de le vivre comme un déroulé avec un début et une fin mais sans forcément chronologiser, dire là : « T’es dilatée à deux »… Je trouvais ça chouette de laisser complètement les choses se dérouler sans chercher à savoir plus et d’être à l’écoute juste de son corps, de ses sensations.

Je dis ça mais y a eu un moment ou, bon maintenant je sais, mon troisième accouchement me l’a confirmé : quand ça devient vraiment plus intense, plus dur… je sentais pas spécialement si le bébé était tant descendu. Depuis le début du travail on sait qu’il est déjà assez bas, mais le chemin fin comme ça non… Après quand il est sur le périnée, là ça y est, là on sait là ! Et là, il y a un petit moment de désespoir, moi qui me sentais si costaude, si solide … Les contractions sont devenues plus fortes, plus intenses, alors qu’on les avait gérées très facilement, en alternant, debout, appuyée contre le mur, avec Mathias qui appuyait vraiment sur le bassin pour soulager la contraction, ou la bouillotte, ou à quatre pattes… Beaucoup à quatre pattes, beaucoup au pied de mon lit, je me souviens qu’on était monté au milieu du travail, pour la fin, plutôt dans la chambre qui était plus cozzie, plus chaude.

Et puis en fait, ouais, y a ce moment-là, ou tout à coup, on a l’impression qu’on ne va pas y arriver, qu’on va plus aller au bout. C’est pas possible, qu’est-ce qui se passe ? Tout à coup, tout nous échappe, en tout cas, c’est comme ça que je l’ai vécu. A la fois confiante et toujours pas envie de demander spécialement, à mettre des mots précis sur ce qui se passe, être encore dans l’écoute mais dire : « La prochaine contraction je vais pas pouvoir, je vais pas pouvoir ! » et je commence à avoir envie de pleurer et de dire : « Mais non, mais c’est pas possible, pourquoi ? Pourquoi il vient pas ? » Et c’est finalement le moment, Rosana me disait que les sages-femmes appellent souvent de désespérance, ou justement le bébé est sur le périnée. Ça fait très mal et, en fait, il faut une ou deux contractions, ou on va dire, quelques-unes, pour que ça se termine. Mais c’est vraiment la toute fin. On n’en est pas conscient mais il y a un moment où là, je pense qu’on touche au plus profond. Je ne sais pas comment dire… Quelque chose de… Peut-être selon les personnes, selon les femmes, je ne sais pas comment dire… Le truc le plus intérieur, le plus puissant que j’ai vécu dans ma vie ! C’est-à-dire l’épreuve sur le moral, le mental – à tenir quoi… Et puis on a envie de rencontrer son bébé, alors on s’accroche, on veut qu’il sorte ! Et puis là, le soutien de Rosana, de Mathias …

Au début on te laisse un peu ta sphère corporelle, et c’était plutôt moi qui disais : « Là j’ai envie de ci, là j’ai envie de ça » et là, ils s’étaient rapprochés tous les deux, on était vraiment tous les trois à chercher la bonne position, « Essaye plutôt accroupie, comment tu te sens-là ? Et ça qu’est-ce que t’en penses ? ». Et finalement, Rosana m’a proposé, comme j’avais envie d’être accroupie – d’être vers le sol, de me suspendre à son cou, elle a montré à Mathias comment se positionner, et puis c’est comme ça qu’on a géré les dernières contractions. J’étais accrochée à son cou, elle me soutenait sous les bras, complétement relâchée… J’avais bien envie de me suspendre, mais le tissu accroché à la poutre là-haut n’avait pas donné… Je n’arrivais pas à trouver la sensation. Et là, c’était nickel, je m’abandonnais complétement, Rosana qui est petite, en fait, ça allait finalement avec sa taille, parce qu’après, quand c’est Mathias qui s’y est collé, il fallait qu’il fléchisse les jambes à fond, parce qu’il est grand, et moi aussi, pour que je sois quand même bien accroupie au sol dans une flexion, ou je sois bien à l’aise pour aussi tout lâcher et en fait ça été nickel – lui, après, il m’a dit qu’il avait souffert ! Il a ressenti des courbatures pendant un bon moment. Parce que je m’abandonnais totalement. Et puis il y était, du coup, c’était une épreuve physique pour lui aussi. Et ça, c’est intéressant, parce qu’il m’a redit plusieurs fois : « Ah, ouais, mais physiquement, c’était dur ! » alors ça me faisait trop rire parce que, quand même, on aurait dit que c’était lui qui sortait le bébé !

J’ai dit : « Ouais, ouais, ouais, on peut le dire », il a eu sa part, c’était physique pour lui comme pour moi. Finalement, c’est trois, quatre contractions, je ne sais pas, dans cette position, qui ont suffi, et la poche des eaux est venue à une des contractions. Je n’avais pas perdu les eaux, et la contraction d’après, Lison est sortie presque comme du savon, très vite ! Rosana l’a attrapée un peu rapidement, heureusement, elle était… De tout façon, j’étais au sol, mais je vois cette image, je vois le bébé qui,  vout ! Comme un savon qu’il faut attraper. Et puis elle l’a attrapée, c’est elle qui l’a attrapée en premier. D’ailleurs, ça m’est resté pour mon troisième accouchement, je voulais l’attraper moi ! Donc on a revu les choses un petit peu différemment. C’est marrant comme d’accouchement en accouchement, de vécu, de ressenti, on sait plus finement ce que l’on aimerait, dans ce qui est possible. Finalement, le dernier, c’est moi qui l’ai attrapé ! C’était trop bien !

Bref, et là, c’était Rosana. Elle me le donne, elle me la donne : on ne savait pas si c’était une fille ou un garçon, et puis on s’en fichait sur le moment. Là on souffle. Quelle joie immense d’attraper ce petit corps tout chaud, tout doux, qui n’était pas du tout… Comment elle était Lison ? Parce que je revois Lucien, comme c’est plus ressent… Je revois Lison qui était assez éveillée, on sentait que ça avait été une bonne descente, un bon toboggan pour elle aussi et que ça l’avait bien dynamisée aussi. Un petit pleur, j’ai voulu l’allonger sur mon ventre et là, Rosana dit : « Attends, tire pas ! Le cordon est très court, tire pas trop ». Alors je l’avais sur le ventre, je ne pouvais pas trop la monter à la poitrine. Et puis là, j’avais juste envie de m’allonger, de la découvrir, de regarder Mathias, d’être à la contemplation. J’ai vraiment la sensation du corps chaud et glissant sur toi, avec cette odeur de liquide, moi j’adore cette odeur… Et puis là j’ai eu envie de regarder quand même si c’était une petite fille ou un petit garçon, peut-être dix minutes, le temps du câlin, de se reposer un peu, regarder son petit minois, dégager ses yeux… Pendant ce temps-là, la petite fourmi sage-femme, Rosana, qui installe tout. Et puis le placenta est sorti je crois… Ah oui, comme le cordon était court elle a voulu le couper assez vite, assez vite, c’est relatif, dans les quinze minutes qui ont suivi la sortie, comme ça je pouvais la monter un peu, la regarder un peu, être plus à l’aise physiquement. Et puis Lison était bien éveillée, elle avait les yeux grand ouverts et moi, j’avais envie de la mettre sur le sein et elle répondait bien, elle avait envie de téter. Donc ça a été assez rapide la mise au sein, ça s’est enchaîné  fluidement, en douceur en même temps et puis du coup je l’avais au sein et l’expulsion du placenta s’est fait comme qui rigole, franchement c’était rien… Ah oui, il faut s’occuper de sortir le placenta ? Attends, je me concentre deux secondes sur la contraction, lève un peu les fesses, fait comme ça, fait comme ça, hop ! Il est sorti vraiment très facilement. Elle regardait, tout était nickel. On pouvait profiter, on a juste envie de faire une chose, c’est profiter de son bébé, se le bader, le mettre au sein, c’est tout !

Voilà, en fait, elle est née vers midi et demi, le travail avait commencé tout doucement vers 4h du mat, ça été assez rapide, huit heures ça fait ça. J’aime bien ce moment où on est tous les trois, dans une émotion et puis, en même temps, il y a le côté un peu technique de la sage-femme, qui est là, qui regarde, qui veille sur toi, qui regarde si tout se met bien en place. Je trouve tellement beau ce travail… Aussi le sentiment de l’équipe qui a bien travaillé.

Il s’était arrêté de neiger, de ma chambre je pouvais toujours regarder le jardin tout blanc, à chaque fois que je repense à l’accouchement je revois le jardin enneigé.